Non, le boycott d’Israël n’est pas illégal en France !

Depuis la rédaction de cet article la décision de la CEDH(Cour Européenne des Droits Humains) est venue confirmer ses arguments :
la CEDH a mis en cause la France après la condamnation en 2013 de militants BDS appelant à boycotter les produits importés d’Israël. Selon la juridiction européenne « les propos reprochés aux requérants relevaient de l’expression politique ». La Cour européenne des droits ’Humains a condamné ce 11 juin 2020 la France pour violation de la liberté d’expression de militant.e.s BDS , qui avaient été condamné.e.s pour leur appel au boycott de produits importés d’Israël. L’État devra verser des dommages et intérêts aux requérants.


Les soutiens et relais d’Israël en France essayent essayent de jouer la carte de « l’illégalité » supposée du Boycott d’Israël pour attaquer la Campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions). Mais affirmer cent fois une contre-vérité ne la rend pas plus vraie !

1) L’appel au boycott d’Israël serait illégal en France :

FAUX :

Si la Cour de cassation en octobre 2015 a confirmé la condamnation en appel de militant-e-s BDS de Mulhouse et considère que « l’appel au boycott des produits israéliens » constitue une infraction pénale, assimilant un tel appel à une « discrimination des producteurs israéliens » (sic), il n’en demeure pas moins que continuer d’appeler au boycott de l’apartheid israélien et/ou des produits issus d’une politique coloniale d’occupation reste possible, comme le fait d’appeler à des sanctions économiques et politiques contre l’État d’Israël comme le font par exemple certains parlementaires et anciens ambassadeurs.

De même, la Cour de cassation n’a pas interdit le boycott des produits des colonies israéliennes ou les appels au boycott universitaire, syndical, artistique ou sportif des institutions israéliennes.

Par ailleurs, l’arrêt de la cour de cassation d’octobre 2015 ne fait pas jurisprudence, et les décisions judiciaires concernant l’appel au boycott des produits israéliens ont été souvent contradictoires.

Par exemple, des tribunaux, et même la Cour d’appel de Paris l’ont jugé légal car relevant de la liberté d’expression.

C’est le cas de la cour d’appel de Paris en mai 2012 ou du TGI de Pontoise en décembre 2013 :

« Cet appel au boycott est en réalité une critique passive de la politique d’un État, critique relevant du libre jeu du débat politique qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique. Ainsi dès lors que le droit de s’exprimer librement sur des sujets politiques est une liberté essentielle dans une société démocratique, cet appel au boycott entre dans le cadre normal de cette liberté »

L’arrêt de la Cour de cassation d’octobre 2015 pénalisant le boycott des produits israéliens a par ailleurs été critiqué par nombre d’universitaires et est mentionné dans le dernier rapport 2016 d’Amnesty International concernant les droits humains en danger (Chapitre France/ Liberté d’expression : http://www.amnesty.fr/rapport2016 )

La FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme), en mars 2016, a tenu à réaffirmer le droit des personnes à participer pacifiquement et à appeler à des mesures de boycott-désinvestissement-sanctions (BDS) pour protester contre les politiques d’occupation et de discrimination du gouvernement israélien.

Enfin, l’arrêt de la cour de cassation n’a pas force de loi. Faire référence à l’arrêt de la cour de cassation pour tenter d’attaquer les militant-e-s de la Campagne sur leur visuels/écrit qui ne relève pas directement de ce que dit précisément l’arrêt de la cour de cassation ne relève pas de la loi mais de l’intimidation, et ce n’est pas légal.

2) Les militants ne peuvent plus appeler au boycott du régime israélien d’apartheid

FAUX :

Comme cela a été indiqué plus haut, la pénalisation des appels au boycott des produits israéliens décidée par la Cour de cassation fait débat et les décisions de justice sur le sujet sont diverses et contradictoires. Un recours contre l’arrêt de la Cour de cassation est d’ailleurs exercé devant la Cour européenne de droits de l’homme de Strasbourg.

Depuis notre point de vue a été confirmé le11 juin 2020 par un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui a condamné la France pour l’arrêt de la cour de Cassation qui viole la liberté d’expression.

En outre, la Cour de cassation limite la pénalisation à « l’appel au boycott des produits israéliens ». Or le champ d’action du BDS dépasse largement celui du boycott des produits israéliens.

Ce n’est d’une part pas les produits qui sont visés à travers le boycott, mais bel et bien les entreprises israéliennes qui participent aux violations du droit international et au système d’apartheid israélien.

Dans « BDS », il y a aussi le D de Désinvestissement demandant aux entreprises, notamment françaises de se retirer d’Israël et/ou des colonies afin ne pas être complices de violations du droit international.

Il y a enfin le S de Sanctions pour demander aux États et aux organisations internationales des sanctions contre Israël et qu’il soit mis fin à l’impunité de cet État.

3) Il y a une forte instrumentalisation de la justice contre les militant-e-s de la Campagne

VRAI :

Tout part d’une circulaire de Michèle Alliot Marie en 2010 demandant aux procureurs de poursuivre systématiquement les militant-e-s appelant au boycott des produits israéliens.

Cette circulaire, qualifiée en 2010 par le Syndicat de la Magistrature « d’attentat juridique d’une rare violence » est tellement politique qu’elle précise explicitement qu’elle ne concerne que l’État d’Israël. Ceux qui appellent au boycott des produits chinois en raison de la situation au Tibet ou au boycott du Mexique ne sont donc pas inquiétés.

Cette circulaire a été renouvelée et complétée quelques jours seulement avant le départ de Nicolas Sarkozy, par son dernier ministre de la justice Michel Mercier.

Sans cette circulaire, il est fort probable que les procureurs auraient classés sans suite les plaintes contre des militant-e-s antiracistes.

On le voit bien ici, il y a bel et bien instrumentalisation de la justice concernant les militant-e-s de la Campagne BDS.

4) On peut continuer à porter son tee shirt BDS « Boycott Israël Apartheid »

VRAI :

Oui. Il n’existe aucun fondement juridique pour empêcher les militant-e-s de porter ce tee shirt.

«Boycott Israël Apartheid » est une opinion politique, et dans un état de droit, il est autorisé d’exprimer publiquement ses opinions politiques sans être inquiété pour celles-ci. Toute intimidations/menaces suite au port de ce tee shirt sont anti-démocratiques.

Ainsi l’arrestation à Lyon le 22 juillet 2017 de militant.e.s portant des tee-shirts « Boycott Israël » (sur la demande d’une organisation pro-Israël ?) a tourné court et aucune poursuite judiciaire a eu lieu.

5) La liberté d’expression est menacée en France

VRAI :

Il y a une attaque globale contre la liberté d’expression en France, qui se traduit par une répression de plus en plus accrue contre le mouvement social et les activités militantes, BDS inclus. C’est pour cette raison que la Campagne BDS France et plusieurs associations de solidarité avec le peuple palestinien appellent à se joindre à toutes les mobilisations locales et/ou nationales contre l’état d’urgence.

NB : Cet article a été rédigé avant l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) du 11 juin 2020 qui conforte notre point de vue.

Source : Agence Média Palestine (article de mars 2016)
Mise à jour de notre rédaction le 4 juin 2017


PLUS D’INFOS


« Boycotter Israël est un droit »
selon Amnesty International en janvier 2018


Déclaration de 200 juristes européens
défendant le droit à soutenir le BDS pour les droits des Palestiniens. (décembre 2016)

La FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme), en mars 2016, a tenu à réaffirmer le droit des personnes à participer pacifiquement et à appeler à des mesures de boycott-désinvestissement-sanctions (BDS) pour protester contre les politiques d’occupation et de discrimination du gouvernement israélien.