Le KKL – Fonds national juif – colonise la vallée du Jourdain

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Dans la vallée du Jourdain, la colonisation se base sur l’exploitation de faibles ressources, comme l’eau, au bénéfice des colonies israéliennes spécialisées dans l’agriculture d’exportation. Pendant plusieurs années, la zone a été coupée du reste de la Cisjordanie, et actuellement les communautés palestiniennes attachées à leurs terres sont sous une menace de déportation. Le Fonds National Juif (KKL) est un acteur majeur de la colonisation de la vallée du Jourdain. Nous publions un rapport mis à jour basé sur des données récentes rassemblées par les militants.

La vallée du Jourdain couvre 30% de la Cisjordanie sur sa frontière orientale. La zone est habitée par environ 65000 Palestiniens (en 2009). La colonisation de la vallée du Jourdain a commencé à la fin des années 1960 et maintenant près de 10000 colons vivent dans 37 colonies dont la base économique est l’agriculture d’exportation. Les colons – qui comprennent maintenant moins de 15% de la population de la zone – contrôlent 86 .000 hectares – c.a.d. près de 50% de la vallée du Jourdain.(1)

Eau et exploitation

Pour comprendre les vraies dimensions de l’exploitation des ressources naturelles par les colonies agricoles israéliennes dans la vallée sèche du Jourdain, il faut regarder l’accès à l’eau. Les colonies israéliennes de la vallée du Jourdain utilisent un quart de la consommation de toute la population palestinienne de Cisjordanie, soit quelque 2,5 millions de personnes.

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Depuis 1967, Israël a pris le contrôle de la plupart des sources de la vallée du Jourdain en les allouant à l’usage quasi exclusif des colons de la région. La surexploitation de l’eau par les colons et la distribution discriminatoire des moyens hydriques dans le nord de la Cisjordanie ont contribué à des pénuries d’eau et à une baisse marquée des terres cultivées par les Palestiniens. La pénurie d’eau affecte bien des régions de Cisjordanie, mais dans la vallée sèche du Jourdain, l’économie de l’eau est précaire et vulnérable et dépend des précipitations annuelles. Bien des familles palestiniennes, surtout bédouines, n’ont pas d’accès aux conduites d’eau et sont obligées à acheter l’eau à des camions-citernes, en payant en moyenne trois fois le prix demandé aux colons.

La position de la vallée du Jourdain entre les foyers principaux de population de la Cisjordanie et la frontière – le Jourdain – la place au centre aux yeux des stratèges militaires israéliens, tandis que son sol fertile et sa population assez clairsemée donnent de grandes possibilités aux colons et aux entrepreneurs-colons israéliens. En colonisant la zone, ils utilisent la terre et ses ressources, ainsi que la force de travail palestinienne, maintenant « libérée » de ses sources de subsistance avant tout agricoles. Les exemples frappants de la façon dont les entrepreneurs-colons israéliens exploitent la population et la terre de la vallée du Jourdain sont les carrières et les plantations, exploitées par les entreprises et les colonies locales israéliennes sur la base de l’emploi palestinienien bon marché.(2)

D’après l’Autorité des Eaux, les colons de la vallée du Jourdain ont droit à 487 litres/jour/personne (l/j/p) ; dans la zone au nord de la Mer Morte – 727 litres ; 97,5% de l’eau est employée pour l’agriculture.

Dans le district de Jéricho, la zone de Cisjordanie la plus riche en eau, la consommation était 161 l/j/p en 2009. « Dans les villages du nord de la vallée – Bardala et Cardala – la valeur était 209 l/j/p et à Ein al-Beida, 117 litres. Dans d’autres zones de la vallée la valeur est de moins de 100 litres, la consommation minimale recommandée par l’OMS. Dans la partie centrale de la vallée du Jourdain, dans la zone de Wadi al-Fara et dans la partie nord, la consommation par tête est 61 et 61,8 litres. Ces valeurs sont presque 40% de moins que la recommandation de l’OMS. »(3)

C’est le summum de l’agriculture coloniale de peuplement. Prendre la terre des habitants palestiniens, leur voler leur ressource en eau, mettre en place des plantations bien arrosées lourdement financées pour faire des profits notables en profitant des conditions climatiques et en même temps ignorer complètement les questions de durabilité.

Expulsion rampante et démolitions de maisons

Le résultat, entre autres choses, est ce que les militants palestiniens appellent « nettoyage ethnique indirect ». La difficulté à obtenir l’eau et son prix exorbitant ont poussé de nombreuses familles à partir de la zone de Jiftlik, particulièrement en été, pour Jéricho et d’autres villages. Certaines familles reviennent en hiver, mais d’autres non. »(4)

La majorité de la vallée du Jourdain est dans la zone C, c’est à dire sous contrôle civil et militaire israélien. Aucun permis de construire n’est délivré aux Palestiniens si bien que toutes les constructions sont devenues illégales. Ces quinze dernières années, l’ « Administration Civile » a démoli des maisons dans les villes et villages de la vallée du Jourdain comme Tubas, Beit Furik, Beit Dajan et Tamun. Les Palestiniens parlent de familles forcées de quitter la zone en réponse à l’accès diminué aux ressources essentielles, à l’isolement, aux persécutions des militaires et aux démolitions de maisons.

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Le rôle du KKL/JNF

D’après le site web du JNF, il “travaille à des projets sécuritaires dans tout Israël”: « Les travaux incluent des terrassements, drainages, fondations, asphaltage et aménagements paysagers ». La vallée du Jourdain fait partie de la Cisjordanie occupée. L’infrastructure des colonies israéliennes n’a rien à voir avec la « sécurité » : Elle fait partie de la colonisation illégale

Le Fonds National Juif (ou KKL selon son acronyme hébreu) fournit l’infrastructure pour l’expansion des colonies exclusivement juives de la vallée du Jourdain. En fait, le FNJ a été pionnier des projets israéliens dans la zone au début des années 1970, quand le gouvernement israélien était réticent à admettre ses projets de colonisation. En 1972, le KKL a construit la route menant à la colonie de Gitit, et en 1974, par exemple, il a préparé 5400 dounams (540 ha) pour 8 colonies. (6)

Sa contribution à la “route Allon”, une pièce clé des plans d’annexion, a été majeure (voir ci-dessous). Maintenant le KKL est lourdement impliqué dans l’expansion des colonies avec toute une série de projets, allant d’infrastructures qui affectent toute l’économie de l’eau de la région à des centres récréatifs pour les colons.

Etendre les colonies

Les volontaires de Jordan Solidarity ont rapporté en septembre 2012 l’expansion de la colonie entre le village palestinien Al-Jiftlik et la colonie israélienne Yafit. Le KKL-JNF soutient l’expansion de la colonie en finançant les entrepreneurs pour fournir l’eau, l’électricité et les routes pour la nouvelle zone de colonisation.

Eau

Le réservoir Tirza, construit par le FNJ entre 1997 et 2003, recueille les eaux courantes de la plus grande rivière de Cisjordanie, Wadi al-Far’a, avant qu’elles arrivent au Jourdain. L’eau du réservoir est utilisée par les colonies de la zone pour l’irrigation et l’aquaculture.

Maintenant les volontaires ont documenté le réservoir OG-2 qui a une capacité de 1,5 millions de m3. Ils ont vu des trous se creusant autour de la zone (sable mou dû à une nappe phréatique basse).

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Routes

Le KKL a joué un rôle majeur dans la construction de la Route Allon. La route Allon (« route 90 », ndt) ne connecte que les colonies israéliennes – il n’y a pas de bifurcations pour les villages palestiniens. L’idée derrière la route Allon, commencée secrètement en 1972 et complété en 1980, était aussi de démarquer la zone prévue pour l’annexion à Israël à l’Est de la route Allon, laissant isolés les grands centres de population palestinienne de la zone montagneuse au cœur de la Cisjordanie.(7)

Un rapport sur le projet publié par le New York Times causa un scandale international ; des débuts furent par conséquent confiés au KKL.

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Mais le KKL/JNF continue d’établir des routes pour les colons dans la vallée du Jourdain :
► Le KKL a financé une piste pour donner accès aux terres confisquées à la Bardala palestinienne
► Le KKL construit une rue intérieure dans la colonie Mehola
► Le KKL paie la “ferme Mehola” sur la terre de Bardala près d’Ein El-Beida
► Le KKL finance la route menant à la “ferme Mehola”

Projets d’infrastructure dans les colonies

► Toute les infrastructures de la colonie Argaman par le KKL
► Construction d’un hall commémoratif à Shdemot Mehola
► Construction d’une yeshiva dans la colone Shdemot Mehola
► Le KKL est le principal donateur du Conseil Régional des colonies

Centres de loisirs

► Le Jordan Valley Meeting Point (déjà décrit dans Corporate Watch report)
► Le parc récréatif du KKL Ein Farrah

Ceci n’est pas une liste définitive. Le KKL ne publie pas de rapports sur ses investissements et ses activités disponibles au grand public. Cependant le KKL ne fait que remplir sa mission déclarée – la colonisation. Mais la question est : pouvez-vous vous en laver les mains ?

Ce rapport est basé sur des données récentes obtenues par les volontaires de la Jordan Valley Solidarity Campaign. Grands remerciements – et  Soutenez la campagne!

REFERENCES:

(1) Au delà des zones contrôlées par les colonies, des zones militaires fermées (déclarées comme zones “de tir” ou “d’entraînement” par l’armée) et des réserves naturelles couvrent 44% supplémentaires, si bien que les Palestiniens ont accès à moins de 10% de la zone du Jourdain. Human Rights Watch, Separate but Unequal: Israel’s Discriminatory Treatment of Palestinians in the Occupied Palestinian Territories (2010), p. 65.
(2) B’tselem, Dispossession and Exploitation: Israel’s Policy in the Jordan Valley and Northern Dead Sea (Mai 2011), pp. 36-39.
(3) B’Tselem, Dispossession and Exploitation, p. 24. 
(4) Uri Blau et Yotam Feldman, “Thirsty Land”, Haaretz, 13.8.2009.
(5) Amira Hass, “Otherwise occupied / How green is my valley,” Haaretz, 4.3.2010.
(6) Davar, 22.12.1972; 4.4.1974 [en Hébreu].
(7) Voir Maariv, 20.2.1973 [en Hébreu].

Lectures complémentaires:
– Rapport précédent sur le FNJ dans la vallée du Jourdain par CorporateWatch
– report on the settlements and their main products par MA’AN development Center
– report on the Jordan Valley par MA’AN development Center
– Rapport agricultural exports from the Occupied Territories de Who Profits (Mai 2012)
– Rapport de B’tselem Dispossession and Exploitation: Israel’s Policy in the Jordan Valley and Northern Dead Sea (Mai 2011).
– Rapport d’OCHA (ONU) special report on settlers’ takeover of springs in the West Bank (avec références sur l’implication du FNJ)
– Rapport d’Oxfam: On the Brink: Israeli settlements and their impact on Palestinians in the Jordan Valley (Juillet 2012)

 
Traduit de “ JNF in the Jordan Valley: Colonization Now”, 8/1/2013
http://www.tarabut.info/en/articles/JNF-in-the-Jordan-Valley
Traduction: JPB-CCIPPP