Projection / Débat du film « Les carnets de Janina Hescheles » avec Eitan Altman

Janina Hescheles : d’un camp nazi en Pologne au mouvement des Femmes en Noir en Israël

Soirée organisée par les Femmes en Noir de Lyon, avec le soutien de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) et du Collectif 69 de soutien au peuple palestinien, le 15 décembre 2017, autour du documentaire de Isabelle Vayron de La Moureyre : « Le carnet de Janina ».
Ce documentaire nous parle du parcours de cette femme, rescapée à 12 ans du ghetto et du camp de Lvov, jusqu’à la création du mouvement des « Femmes en Noir » en Israël, dont elle est une des fondatrices ; mouvement qui lutte contre l’occupation israélienne des Territoires Palestiniens.

Nous étions environ une quarantaine de personnes venues pour assister à cette projection, suivie d’un débat avec Eitan Altman, un des fils de Janina Hescheles qui réside à Avignon où il milite dans l’association « Présences Palestiniennes ».
La qualité des échanges a reposé à la fois sur la façon dont il a présenté la volonté de sa mère de faire le lien entre le passé et le présent – ce qui est la raison d’être des Femmes en Noir – et sur l’authenticité d’une parole qui articule des convictions profondes à des expériences vécues hier et aujourd’hui.
Par exemple :
– Eitan pose la question de ce que l’on peut apprendre aujourd’hui de l’Holocauste, Holocauste qui est complètement utilisé par le gouvernement israélien. La réponse est dans l’engagement de Janina au sein du mouvement des Femmes en Noir, engagement qu’elle doit à ceux des Polonais résistants au nazisme qui ont sauvé sa vie. Pour cette raison, l’indifférence à ce qui se passe aujourd’hui en Israël n’est pas supportable.
– la façon dont Janina a su renouer des liens avec l’Allemagne : il n’y a pas de peuple immunisé contre le fascisme et en même temps chez tous les peuples, il y a des résistants.
A une question sur l’impact du témoignage de Janina en Israël, Eitan précise que le documentaire n’y a jamais été diffusé, et que si son livre (tardivement publié en hébreu, en 2016) rencontre un écho plus favorable de nos jours, c’est en raison de l’évolution récente du regard porté sur les rescapés de la Shoah : ils font désormais l’objet d’un respect sans faille.
En effet Eitan rappelle que d’après les sionistes les Juif.ve.s d’Europe se sont « laissés mener à l’abattoir » avec très peu de résistance ; ce qui ne colle pas avec le mythe de « l’homme israélien » fort et viril. D’où le mépris dont les survivant.e.s de la Shoah ont fait l’objet pendant des années. Apparemment cela a changé, Israël « honore » ces rares survivant.e.s. Ce changement est à mettre en lien avec l’instrumentalisation actuelle de la Shoah.
La valeur de ce documentaire tient à ce qu’il illustre aussi le travail historique effectué aujourd’hui en Ukraine (notamment à Lviv) par quelques associations pour sortir de l’oubli le massacre des juifs de Lvov/Lviv et éveiller la conscience des jeunes. C’est ce lien entre présent/ passé qu’incarne la démarche de Janina qui écrit dans l’épilogue de son livre rédigé en septembre 2015 à Haïfa : « Or, aujourd’hui, « mon » Lvov se trouve partout où on déstabilise la vie, où les gens perdent leur famille, où on les chasse de leurs villes ou de leurs villages natals. Je le reconnais dans les maisons abandonnées, aux portes et aux fenêtres murées dans les ruelles de la vallée de Waadi Salib à Haïfa. Ses habitants les ont désertées sous la pression et l’intimidation pendant la guerre de 1948. »
L’assistance a été saisie par la sérénité avec laquelle Eitan a su nous faire revivre « la bonté intransigeante » qui caractérise le parcours de Janina, ce qui s’est reflété dans l’ambiance particulièrement sereine qui a marqué les échanges.
Compte rendu des « Femmes en noir de Lyon »
