Gaza la famine comme arme de guerre
Gaza : la faim est « pire que les bombardements »
Ali sort tous les jours dans le nord de Gaza, au milieu des bombes et des tirs d’artillerie israéliens incessants, à la recherche de nourriture pour sa famille. « Ma famille, les enfants, tous attendent que je rentre et que je dise « il y a de la nourriture » ou « j’ai apporté des légumes » », déclare le Palestinien. Mais la plupart du temps, il revient les mains vides et dépité.
« Nous avons cessé de nous demander « Quand la guerre sera-t-elle finie ? » et nous avons commencé à nous demander « Quand la nourriture arrivera-t-elle ? » »
aggravation de la crise de la faim, causée par le siège israélien en cours qui bloque la livraison de nourriture et de produits médicaux de base,
Rania, dans la ville de Gaza, se rend également au marché tous les jours à la recherche de nourriture. Ce qu’elle trouve est soit inabordable, soit extrêmement limité. « Il n’y a pas de légumes, de fruits ou de lait sur les marchés. Rien qui ait une quelconque valeur nutritionnelle « ,
Rania explique qu’elle a reçu un panier alimentaire du Programme alimentaire mondial (PAM) il y a plus d’un mois. Elle s’accroche encore à ces produits. « Je les rationne, car si je n’en ai plus, je n’aurai plus rien à manger », dit-elle. « Je me sens étourdie et faible. Mon visage est pâle et j’ai perdu beaucoup de poids. »
Les expériences de Rania et d’Ali sont similaires à celles de centaines de milliers de Palestiniens dans la bande de Gaza, en particulier dans le nord.
Depuis plus de huit mois, l’armée israélienne impose un siège strict à la bande de Gaza, limitant considérablement l’acheminement de denrées alimentaires et de produits médicaux essentiels à la survie de la population. Le siège est encore plus strict dans le nord de la bande de Gaza, une zone qu’Israël a tenté de vider de ses plus d’un million d’habitants au début de la guerre en octobre.
Outre les bombardements incessants et le ciblage délibéré des hôpitaux, et dans le cadre d’une politique de punition collective des civils, l’armée israélienne utilise la famine de la population comme arme de guerre, selon des enquêteurs indépendants des Nations unies.
Des dizaines d’enfants sont morts de malnutrition et les habitants ont été contraints de manger de l’herbe, les forces israéliennes ayant tué à plusieurs reprises des personnes sollicitant de l’aide.
Sous la pression internationale croissante, après la mort de plusieurs travailleurs humanitaires étrangers tués par les forces israéliennes et la parution un rapport soutenu par les Nations unies mettant en garde contre l’imminence d’une famine,
Famine imminente
Le système de surveillance de la faim des Nations unies, la classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (IPC), a publié mardi un nouveau rapport indiquant qu’un « risque élevé de famine persiste dans l’ensemble de la bande de Gaza ».
Le rapport indique que plus de 20 % de la population de l’enclave palestinienne, soit plus de 495 000 personnes, sont désormais confrontés à des « niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire aiguë » impliquant « un manque extrême de nourriture, la famine et l’épuisement ».
Presque tous les autres habitants de la bande de Gaza sont confrontés à des « niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë », voire pire.
L’invasion terrestre d’Israël à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, et notamment la prise du point de passage de Rafah, ont bloqué les rares voies d’accès à l’enclave pour les camions d’aide humanitaire. Le rapport indique que plus de la moitié des ménages de Gaza déclarent qu’ils n’ont souvent rien à manger à la maison et que plus de 20 % d’entre eux passent des jours et des nuits entières sans manger.
« L’espace humanitaire dans la bande de Gaza continue de se rétrécir et la capacité d’acheminer en toute sécurité l’aide aux populations s’amenuise », indique le rapport. « La trajectoire récente est négative et très instable. »
La faim est pire que les bombardements
Pour Ali, il n’y a pas de mots pour décrire la faim qu’endurent les habitants de Gaza. « C’est pire que tous les bombardements, le bruit et l’horreur que nous vivons,
Ali explique qu’au début de la guerre, lorsque les habitants du nord de Gaza ont été expulsés de force par les autorités israéliennes vers le sud, ceux qui sont restés se sont retrouvés dans des conditions proches de la famine en raison d’un blocus total de la nourriture et des ressources.
De nombreux Palestiniens de Gaza tentent à présent de planter de la nourriture dans leurs maisons afin d’échapper à la faim. Ils essaient de planter des choses qui peuvent pousser rapidement, comme des courgettes, des concombres et des tomates. Mais les plantes ont besoin d’eau, une denrée qui fait également cruellement défaut à Gaza.
Avant le début de la guerre d’Israël contre Gaza, le 7 octobre, 96 % de l’eau de l’enclave était déjà impropre à la consommation humaine en raison de 17 années de blocus israélien.
Aujourd’hui, la situation est pire, les systèmes d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène étant totalement hors d’usage, selon un rapport des Nations unies publié la semaine dernière sur l’impact environnemental de la guerre d’Israël.
« Nous ne savons pas combien de temps nous pourrons encore endurer cela », déclare Ali.
« Chaque jour, nous nous effondrons. Chaque jour est pire que le précédent ».
Lubna Masarwa et Rayhan Uddin, le 25 juin 2024