JCALL – Appel à la raison – Quelle raison
Voici le texte de l’appel à la raison suivi d’autres communiqués et articles sur ce sujet
Appel à la raison
Citoyens de pays européens, juifs, nous sommes impliqués dans la vie
politique et sociale de nos pays respectifs. Quels que soient nos
itinéraires personnels, le lien à l’État d’Israël fait partie de notre
identité. L’avenir et la sécurité de cet État auquel nous sommes
indéfectiblement attachés nous préoccupent.
Or, nous voyons que l’existence d’Israël est à nouveau en danger. Loin de
sous-estimer la menace de ses ennemis extérieurs, nous savons que ce
danger se trouve aussi dans l’occupation et la poursuite ininterrompue des
implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem
Est, qui sont une erreur politique et une faute morale. Et qui alimentent,
en outre, un processus de délégitimation inacceptable d’Israël en tant
qu’État.
C’est pourquoi nous avons décidé de nous mobiliser autour des principes
suivants :
– 1. L’avenir d’Israël passe nécessairement par l’établissement d’une paix avec le peuple palestinien selon le principe « deux Peuples, deux États ».
Nous le savons tous, il y a urgence. Bientôt Israël sera confronté à une alternative désastreuse : soit devenir un État où les Juifs seraient minoritaires dans leur propre pays ; soit mettre en place un régime qui déshonorerait Israël et le transformerait en une arène de guerre civile.
– 2. Il importe donc que l’Union Européenne, comme les États-Unis, fasse pression sur les deux parties et les aide à parvenir à un règlement raisonnable et rapide du conflit israélo-palestinien. L’Europe, par son histoire, a des responsabilités dans cette région du monde.
– 3. Si la décision ultime appartient au peuple souverain d’Israël, la solidarité des Juifs de la Diaspora leur impose d’œuvrer pour que cette décision soit la bonne. L’alignement systématique sur la politique du
gouvernement israélien est dangereux car il va à l’encontre des intérêts véritables de l’État d’Israël.
– 4. Nous voulons créer un mouvement européen capable de faire entendre la
voix de la raison à tous. Ce mouvement se veut au-dessus des clivages
partisans. Il a pour ambition d’œuvrer à la survie d’Israël en tant
qu’État juif et démocratique, laquelle est conditionnée par la création
d’un État palestinien souverain et viable.
C’est dans cet esprit que nous appelons tous ceux qui se reconnaissent
dans ces principes à signer et à faire signer cet appel.
Le Bureau national de l’Union Juive Française pour la Paix
Lundi, 26 avril 2010
La politique intransigeante du gouvernement Netanyahou, qui, en poursuivant la judaïsation de Jérusalem, va jusqu’à narguer le gouvernement Obama, ne peut que susciter des protestations dans les grandes communautés juives du monde occidental, y compris au coeur des communautés organisées.
Ainsi aux USA, un groupe de pression nommé « J Street » s’est fixé comme horizon de mettre en oeuvre des conceptions plus proches de celles d’Obama que de celles de Netanyahou.
Dans cet état d’esprit, il a été lancé au niveau européen un appel « Jcall », dont les initiateurs en France sont diverses personnalités telles que Daniel Cohn Bendit, Bernard Henry Lévy ou Alain Finkielkraut.
Cet appel dénonçant la colonisation ininterrompue de la Cisjordanie, il ébranle le monolithisme arrogant du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), courroie de transmission de la politique israélienne, et suscite des remous dans la population juive, ce qui ouvre la voie à des remises en cause que nous espérons de plus en plus profondes.
Toutefois, l’Union Juive Française pour la paix ne peut apporter sa signature à ce texte ni le soutenir de quelque façon que ce soit.
En effet, il se présente clairement comme une façon de faire accepter au monde un « Etat juif et démocratique » dont les Juifs du monde entier serait par définition solidaires, un Etat démocratique pour les Juifs mais Juif au regard des Palestiniens.
Les Palestiniens sont les grands absents de ce texte, Gaza n’y existe pas, le droit des réfugiés n’y existe pas, le droit de tous les habitants d’Israël à une citoyenneté complète n’y existe pas. Pire, le texte estime que la décision finale n’appartient qu’aux Israéliens, ne donnant aucune voix au chapitre aux palestiniens.
Car ses rédacteurs l’écrivent clairement, ce qui les guide c’est sauver l’existence et la sécurité de l’Etat d’Israël, c’est la crainte d’un processus de délégitimation de cet Etat, en dehors de toute référence au droit international. Pour l’UJFP, le peuple israélien ne peut espérer une paix durable qu’en acceptant une solution faisant droit aux revendications légitimes du peuple palestinien. Le rôle des Juifs dans le monde n’est pas d’entretenir le peuple israélien dans l’idée suicidaire que sa mission serait d’établir entre Méditerranée et Jourdain un Etat juif refuge exempté de toute obligation de respect des règles du droit international et de simple humanité à l’égard d’un peuple qu’il continue d’ignorer.
R.Bkouche
Un appel à la raison bien déraisonnable
Un appel doit être publié sous le titre JCall qui se veut un appel à la raison sur la question Israël-Palestine. Cet appel lancé par des Juifs d’Europe veut être l’analogue du JStreet des Etats-Unis. Mais si JStreet se présente comme un autre lobby juif (il faut entendre le terme lobby au sens anglo-saxon, un groupe de pression) pour contrer le pro-israélisme d’AIPAC, JCall apparaît essentiellement comme un appel à sauver Israël d’une politique israélienne qui le conduit, selon les auteurs du texte, au naufrage. Mais JCall oublie que la politique israélienne du gouvernement actuel à l’encontre des Palestiniens s’inscrit dans la continuité et que cette politique, avant que d’être la politique de tel ou tel parti est inspirée par une idéologie, le sionisme, C’est le sionisme qui est en cause et les geignardises de « partisans de la paix » n’y peuvent rien. Se contenter de condamner la politique israélienne actuelle n’est qu’un leurre. Que les auteurs de ce texte soient sincères ou non importe peu.
Plutôt que de reprendre point par point les quatre principes de l’appel, nous nous proposons démontrer en quoi ce texte n’ouvre aucune perspective, se contentant de ressasser le discours du sionisme de gauche.
Le point essentiel de l’appel est le renvoi à l’Etat juif et démocratique, leit-motiv du discours sioniste de gauche. Quand bien même la solution : « deux peuples, deux Etats » serait encore possible, on ne peut que rappeler que 20% de la population de l’Etat d’Israël dans ses frontières de 1949 définies par ce que l’on appelle la ligne verte est palestinienne et n’a aucune raison de devenir juive si on donne à ce terme la définition nationale de la doctrine sioniste. Dans ces conditions, demander que l’Etat d’Israël soit un Etat juif et démocratique revient à refuser la citoyenneté à une partie de sa population conduisant à une politique de discrimination, sauf à réaliser l’expulsion de la partie non juive de la population, ce que certains appelle pudiquement le transfert. En soutenant le principe d’un Etat juif et démocratique l’appel se situe dans un sionisme intransigeant oubliant que l’Etat d’Israël s’est construit au détriment des habitants de la terre sur laquelle il s’est constitué.
Il est vrai que l’appel répond à ce qu’il considère comme un danger, la démographie. Des lorsqu’il a décidé de construire l’Etat juif en Palestine, le sionisme a rencontré le problème démographique. Il s’est alors donné pour objectif de renverser la démographie de la Palestine en renforçant l’immigration juive, politique facilitée par le refus des Etats européens de recevoir les Juifs qui fuyaient les persécutions nazies. Après la décision de partage par l’ONU et la guerre de 1948, l’Etat d’Israël se retrouvait avec 78% du territoire palestinien, situation qu’il acceptait en attendant mieux. Le mieux est arrivé en 1967 avec l’achèvement de la conquête de la Palestine. Mais le gouvernement israélien de l’époque ne pouvait annexer les territoires conquis, ce qui lui aurait apporté un surplus de population indésirable. Si, pour des raisons d’ordre symbolique l’Etat d’Israël annexait Jérusalem promis à devenir la « capitale éternelle » de l’Etat d’Israël, les gouvernements israéliens, à commencer par les gouvernements de gauche au pouvoir en 1967, ont pratiqué une politique d’annexion rampante sous la forme d’implantations, appelés communément en français « colonies ». Ces annexions de fait rendent impossible la mise en place d’un Etat palestinien viable. Au mieux un tel Etat ne serait qu’une dépendance de l’Etat d’Israël.
Tout cela l’appel ne le dit pas en laissant entendre que la solution réside dans le principe « deux peuples, deux Etats ». Rappelons que cette solution a été proposée par Yasser Arafat en 1988 et renouvelé en 1993 avant la signature des Accords d’Oslo, proposition que l’Etat d’Israël n’a jamais voulu entendre. Et pourtant la proposition d’Arafat acceptait que l’Etat d’Israël occupe 78% de la Palestine, l’Etat de Palestine se contentant des 22% restant ; « la paix contre les territoires » pourrait-on dire.
Alors que signifie aujourd’hui cet appel au principe « deux peuples, deux Etats ». Pour le comprendre il faut revenir à une fiction entretenue par les sionistes de gauche. On dénonce la guerre de 1967 et les implantations dans les territoires occupées mais on oublie 1948. Ainsi on se dispense de parler du sionisme et de la conquête de la Palestine. On peut alors attaquer les gouvernements de droite en oubliant que les gouvernements de gauche ont pratiqué la même politique et dénoncer les « méchants colons » qui dénaturent le sionisme et mettent l’Etat d’Israël en danger. Effectivement il y a, pour les sionistes de gauche, un double danger, le danger démographique dont nous avons parlé ci-dessus, la dégradation de la belle image d’Israël, ce petit pays entouré d’ennemis qui a su reconstituer l’antique nation d’Israël et faire fleurir le désert. Aujourd’hui l’Etat d’Israël apparaît comme un pays guerrier, celui de l’agression contre Gaza, agression qui comprend à la fois les bombardements contre les civils de l’hiver 2008-2009 et le blocus qui empêche la population de Gaza de vivre normalement, celui aussi de l’occupation de la Cisjordanie dont on prend conscience de la brutalité, celui enfin de la discrimination à l’encontre de la population non juive de l’Etat d’Israël.
C’est cela qui fait la trame de JCall : sauver Israël.
Cet appel à la raison qui se veut un appel pour la paix n’est en fait qu’un appel à venir au secours d’Israël. Les Palestiniens ne comptent pas, sauf pour dire qu’ils représentent un danger démographique pour Israël. Il faut donc organiser un divorce à l’amiable pour permette à Israël de trouver la paix en tant qu’Etat juif et démocratique.
Il suffit de lire les commentaires de certains signataires pour comprendre combien ils sont contradictoires entre eux mais aussi contradictoires à l’appel. Apparaissant comme un appel à la paix, JCall a été entendu comme tel par nombre de signataires ; on comprend alors qu’ils l’aient signé même s’ils émettent des réserves sur les termes de cet appel. Cela s’appelle, de la part des auteurs du texte, de la manipulation. On se présente à peu de frais comme des partisans de la paix, et en ce qui concerne la France comme une autre voix juive qui s’oppose à un CRIF qui apparaît de plus en plus comme la voix du gouvernement israélien.
En cela JCall relève de la malhonnêteté intellectuelle.
rudolf bkouche
ujfp (Union Juive Française pour la Paix)
ijan (International Jewish AntiZionist Network)