Crimes contre l’humanité: Ne pas oublier la Palestine !

Les 10,11 et 12 octobre se tenait à l’ENS-LSH Lyon un colloque ayant pour titre: Juger les crimes contre l’humanité, 20 ans après le procès Barbie.
La présentation énonçait alors « Notre histoire est jalonnée de génocides, crimes contre l’humanité, crimes de guerre. Portées au XXe siècle à un degré jamais atteint, ces exactions ont conduit à des décisions visant la poursuite des hauts responsables, confiée non seulement aux juridictions nationales mais aussi à des tribunaux internationaux. »
C’est parce que dans cette perspective les responsables des crimes commis en Palestine n’ont jamais été jugé que nous nous sommes rappelés aux bons souvenirs des conférencier.
Vous trouverez ci dessous le texte distribué ce jour là.
LE DROIT INTERNATIONAL POUR TOUS : JUGER LES CRIMES ISRAELIENS
Depuis 60 ans un Etat s’affranchit des règles du droit, il s’agit de l’Etat d’Israël.
Les crimes de guerre (bombardements des populations civiles, déplacements de populations, utilisation d’armes non conventionnelles, crimes contre l’environnement…) et les crimes d’agression perpétrés par Israël sont caractérisés, dans ses conditions les plus aggravantes, par leur caractère délibéré et persistant au mépris des Résolutions des Nations unies.
L’illégalité du mur, du tramway et même des implantations de colonies procèdent du même crime d’agression (ainsi que le crime de séquestration que constitue l’enlèvement d’élus palestiniens) puisque commis hors du territoire israélien et contre les droits des populations des territoires occupés à leur propre souveraineté territoriale.
Ces Crimes contre l’Humanité (transfert forcé de population, emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique; persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux, disparitions forcées de personnes, crime d’apartheid…) sont avérés et persistants en Palestine occupée.
Tout dernièrement La décision du gouvernement israélien de proclamer la bande de Gaza, déjà assiégée, « entité hostile » avec les conséquences annoncées qu’elle impliquerait (coupure d’électricité, de gaz ou d’eau) est un acte d’une extrême gravité qui constitue une escalade majeure dans la guerre permanente menée contre le peuple palestinien. L’expression « entité hostile » est une non reconnaissance de la réalité politique, juridique, territoriale, humaine, de la bande de Gaza et justifie d’avance une guerre totale contre la population palestinienne.
Le « deux poids et deux mesures » à l’égard d’Israël ne peut perdurer. Le courage implique de dire le droit quelques soient les latitudes. Il est curieux que d’aucuns s’émeuvent, à juste titre, des atteintes aux droits humains à travers le Monde et se taisent sur les crimes israéliens à l’encontre de millions de palestiniens.
Le droit ne se divise pas, ayons le courage de le dire.
Nous souhaitons voir cette question abordée par ce colloque important, 20 ans après le procès du bourreau Barbie. Ce procès qui a eu l’immense avantage de faire avancer le droit et qui a permis de réaffirmer qu’aucun crime ne devait être absout.
CONSTAT
L’envoyé de l’ONU accuse Washington d’avoir encouragé le chaos palestinien
Michel Bôle-Richard – LE MONDE (15/06/2007).
Après deux années passées comme envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU au Moyen-Orient, Alvaro de Soto dresse, dans un rapport confidentiel de fin de mission du 5 mai et révélé le 13 juin par le Guardian, un constat dramatique et désabusé sur le conflit israélo-palestinien…
…A tel point que ce Péruvien qui, pendant vingt-cinq ans, s’est évertué à trouver une solution aux conflits de la planète, se demande s’il est nécessaire de pourvoir au remplacement de son poste (ce qui est déjà fait en la personne du Britannique Michaël Williams) et au maintien du Quartet, cette entité constituée par les Etats-Unis, l’ONU, la Russie et l’Union européenne. A tout le moins, « le rôle des Nations unies devrait être sérieusement revu », fait remarquer le diplomate international, dans un texte de 51 pages particulièrement amer et pessimiste où il fait part de ses désillusions.
Passant en revue tous les événements qui ont émaillé son mandat, M. de Soto constate, comme il l’a déclaré récemment au quotidien Haaretz, que « la situation est extrêmement volatile lorsqu’il n’y a pas de progrès dans le processus de paix et que le boycottage de l’Autorité palestinienne se poursuit ».
A ce propos, il dénonce la suppression de l’aide directe de la communauté internationale, dont « les conséquences ont été dévastatrices sur le plan humanitaire et dans l’affaiblissement des institutions palestiniennes ». « Les mesures prises censées conforter les Palestiniens qui avaient le désir de vivre en paix avec leur voisin ont eu l’effet contraire. » Avant d’ajouter que « les eurocrates ont réalisé qu’ils avaient dépensé plus d’argent en boycottant l’Autorité palestinienne que lorsqu’ils la soutenaient et qu’en la contournant, cela n’a pas permis de la consolider, mais que cet argent a été investi à fonds perdu ».
« J’éprouve une grande tristesse », avait-il dit en quittant ses fonctions. Ayant travaillé au Salvador, à Chypre, il fait remarquer que le retrait israélien de la bande de Gaza, qui a soulevé tant d’espoirs, a été utilisé par Ariel Sharon « pour obtenir des concessions importantes des Etats-Unis alors que la construction de « la barrière de sécurité » se poursuivait et que des colons s’installaient en Cisjordanie ». De fait, constate M. de Soto, la bande de Gaza est devenue « une prison à ciel ouvert » et le processus s’est enlisé d’autant que le Hamas a remporté les élections générales du 25 janvier 2006.
Analysant la mise en place du processus de boycottage du Mouvement de la résistance islamique qui avait gagné démocratiquement les élections, M. de Soto estime que le rejet de l’issue du scrutin par la communauté internationale, qui l’avait pourtant appelé de ses voeux, a été une erreur. « Le Hamas évoluait et pouvait encore le faire et nous devions l’encourager dans cette évolution, de sorte qu’un dialogue puisse s’instaurer dans lequel l’ONU aurait eu un rôle à jouer. »
« Nous parlons au Hezbollah et nous avons raison de le faire car c’est important et qu’il n’y a pas de solution au Liban sans cette organisation. Ce devrait être la même chose avec le Hamas », tranche M. de Soto. Au lieu de cela, Israël a poursuivi sa politique « des faits accomplis » qui rend de plus en plus difficile, voire impossible, la création d’un Etat palestinien viable dont les diplomates ne cessent de parler sans que rien ne se concrétise d’une manière ou d’une autre. Au contraire. Alvaro de Soto rapporte que »les Américains ont poussé à une confrontation entre le Hamas et la Fatah »et, s’interroge-t-il, « je me demande si les autorités israéliennes réalisent qu’elles récoltent ce qu’elles ont semé et qu’elles encouragent systématiquement le cycle violence-répression au point qu’il se nourrit de lui-même ».
Dans ce testament accablant sur les incapacités des uns et des autres à vouloir résoudre ce conflit, une mention particulière est adressée aux Etats-Unis, qui dictent leur volonté au Quartet et à Israël, et qui se sont « réfugiés dans une position de rejet, dans laquelle ils sont prisonniers, en insistant sur des pré conditions dont on sait qu’elles ne sont pas réalisables ».
« L’expérience démontre que ces pré conditions sont habituellement un masque du manque de volonté de négocier. Comme le disait Colin Powell, ancien secrétaire d’Etat américain, vous ne pouvez négocier lorsque vous dites à l’autre partie « Donnez-moi ce à quoi des pourparlers vont aboutir avant que ceux-ci ne commencent ». »
Alvoro de Soto déplore qu’au cours des deux années qu’il a passées dans la région, l’ONU a « traité Israël avec une extrême considération, presque de la tendresse », et qu’il doit être mis fin à cette situation « d’autocensure ». « Je ne crois honnêtement pas que l’ONU rende service à Israël en ne parlant pas franchement de ses manquements dans le processus de paix. Nous ne sommes pas un ami d’Israël si nous permettons à ce pays de s’autosatisfaire que les Palestiniens soient les seuls à blâmer, ou que ce pays puisse, avec légèreté, continuer à ignorer ses obligations liées aux accords passés, sans payer un prix diplomatique à court terme et un prix beaucoup plus élevé en matière d’identité et de sécurité à plus long terme. »
BANAL QUOTIDIEN
Par Gidéon Lévy – Journal Haaretz, 12 septembre 2007 (veille du nouvel an 5768)
ACTION JURIDIQUE
Requête auprès du TPI contre l’Etat d’Israël pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité lors de la guerre du Liban
Conjointement avec l’A.I.C (le Centre alternatif d’information de Jérusalem, présidé par Michel Warschawski), l’U.J.F.P (l’Union Juive Française pour la Paix) a déposé une requête auprès du procureur général du TPI (Tribunal Pénal International) afin de diligenter une enquête au conseil de sécurité de l’ONU. l’État d’Israël est mis en cause pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité perpétrés lors de la guerre qu’Israël a livré au Liban durant l’été 2006.
Cette initiative de deux associations de la gauche juive en France et en Israël a été introduite devant le TPI par Mireille Fanon-Mendès France (membre du Bureau national de l’U.J.F.P et membre de l’association internationale des juristes démocrates). L’AIC et l’U.J.F.P sont représentées devant cette instance par l’avocate israélienne Léa Tsemel, ainsi que par le docteur Hugo Ruiz Dias Balbuena, représentant de l’Association américaine des juristes auprès du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.
Dans cette action judiciaire, l’U.J.F.P et l’A.I.C accusent l’État d’Israël d’avoir violé ses obligations au regard du droit international. Celui-ci oblige tout État de protéger les populations civiles en temps de guerre, de ne pas cibler les infrastructures civiles, d’épargner les lieux de culte, les sites culturels et le patrimoine historique, de ne pas dégrader l’environnement, de ne pas utiliser des armes prohibées et d’épargner tout groupe national à des conditions visant intentionnellement à entraîner sa destruction physique. Et oui, il faut se rappeler en ses temps troubles que les lois et coutumes de la guerre, elles existent bel et bien. Elles font partie du corps du droit international, codifié notamment par les quatre conventions de Genève, que les nations signataires (dont Israël et le Liban) sont tenues à respecter.
Les plaignants reprochent notamment à l’État israélien le bombardement systématique et délibéré de cibles civiles et des punitions collectives, provoquant la mort de plus de 1 100 civils. Pour des raisons liées aux règles de droit dans ce genre de procédure, les centaines de victimes faites en même temps par les forces israéliennes dans les Territoires palestiniens occupés ne sont pas couvertes par cette plainte.
Il est également reproché à l’État d’Israël le bombardement des réservoirs de pétrole, qui a entraîné de graves conséquences pour l’environnement. Les pilonnages ininterrompus de la marine israélienne au large des côtes ont empêché l’action corrective nécessaire pour éviter la marrée noire qui a ainsi envahi le littoral libanais. L’utilisation massive des armes de fragmentation, interdites, est également reprochée à l’armée israélienne. Le dépôt de cette plainte rappelle à Israël et à l’ensemble des nations que même en état de guerre, tout n’est pas permis. La jurisprudence internationale prévoit la possibilité pour des États à saisir le TPI en cas de manquements graves, telles des exactions contre les populations civiles et des violations manifestes du droit international humanitaire.
À défaut d’une plainte déposée par un État membre de l’ONU, des entités de la société civile peuvent, dans certaines conditions, se substituer à leur État afin de mettre des nations indélicates devant leurs responsabilités. Et les pays dictatoriaux ne sont pas les seuls dans la ligne de mire des juges : les États qui se veulent « démocratiques » sont également redevables pour leurs actes.
L’U.J.F.P et l’A.I.C demandent au TPI, de procéder à un examen préliminaire des faits exposés et de diligenter une enquête sur les crimes de guerre cités.
Face à Israël, qui prétend parler et agir au nom du « peuple juif », il y a des associations juives, à l’intérieur et à l’extérieur de ce pays, qui lui contestent cette qualité, surtout lorsqu’il ose commettre des crimes de guerre en leur nom. Outre notre optique juive universaliste en faveur des droits et de la dignité humaine, c’est ce refus de se voir compromis par la politique israélienne, qui ne peut en aucun cas prétendre représenter l’ensemble des juifs, qui a motivé la plainte de l’U.J.F.P et de l’A.I.C.
POINT DE VUE
« Le bilan désastreux d’un déni de démocratie »
Publié par POLITIS dimanche 5 août 2007
http://www.politis.fr/
Retour d’une mission à Gaza, Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, fait part (à Politis) de ses impressions et de son analyse.
Le bâtiment neuf et imposant d’Erez ne rend pas plus humain le parking sans abri ou presque, et la voix métallique des haut-parleurs israéliens rend encore plus grotesque le panneau de bienvenue. Les chauffeurs de taxi se mènent une guerre impitoyable pour s’emparer des quelques clients qui arrivent, sortes de fantômes chargés de pauvres biens sortis d’un ailleurs angoissant. L’éternelle attente se double ce jour-là d’un refus d’entrée à Gaza. Nous n’y entrerons que le lendemain grâce à l’efficace intervention d’une des organisations israéliennes de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Les autorités israéliennes sont passées maîtres dans l’art d’user de l’arbitraire comme une corde qui cisaille les nerfs. Elles manient le mensonge jusqu’à faire de la vérité une des options possibles, rarement celle qu’elles adoptent.
Aucune fouille pour entrer dans Gaza. À l’exception de la rituelle question « Avez-vous des armes ? », qui s’attire le non moins rituel ricanement, rien d’autre qu’un contrôle de papiers accompagné de trois ou quatre questions posées sur le ton de la routine. Excès de confiance en soi ou certitude que l’on ne peut pas apporter pire à Gaza que ce que l’on va y trouver ? Les deux sans doute. Puis, le chemin sous l’oeil des caméras, tout au long de couloirs à peine protégés du soleil, jusqu’au no man’s land où attendent ces hommes, portefaix des temps modernes, qui se chargent des bagages pour parcourir le kilomètre qui reste à faire dans la chaleur et entre les gravats. Le poste frontière de l’autorité palestinienne qui exerçait un contrôle formel a disparu pour céder la place aux hommes de la force exécutive du Hamas, qui se contentent de regarder passer le taxi.
Gaza est calme. La population absorbe ce calme comme un moment de répit bienvenu après les combats, mais surtout l’apparition de ces bandes armées, issues de certains clans gazaouis ou de telles ou telles factions. Difficile de se faire une idée sur les enchaînements qui ont amené le Hamas à défaire le pouvoir de l’Autorité palestinienne. Ses responsables prétendent qu’avec la complicité des Israéliens et des États-Unis (le plan Dighton, du nom d’un responsable américain), les forces de l’Autorité palestinienne auraient programmé leur élimination. Les cousins de Ramallah jurent qu’il n’en est rien et que c’est au contraire eux que l’on allait assassiner, le Président en tête. Ils veulent comme preuve de leur bonne foi que les troupes fidèles à l’Autorité palestinienne avaient reçu l’ordre de ne pas tirer ; le camp d’en face interprète le peu de résistance des forces présidentielles par la désertion de leurs responsables et par leur absence de motivation. La haine fraternelle fait le reste. Chacun campe sur ses positions.
À l’insécurité d’avant les événements a succédé l’omniprésence des forces du Hamas, qui admettent quelques dérapages mais prétendent qu’il y a été mis fin, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ayant désormais accès aux prisonniers. Il n’empêche, des hommes du Fatah ont été victimes de tirs dans les jambes, des exécutions sommaires ont eu lieu (de part et d’autre), et les arrestations se poursuivent sans que l’on connaisse les lieux de détention. Un homme, accusé de collaboration avec les Israéliens, est mort sous la torture entre les mains de la force exécutive. Les civils ont payé un lourd tribut aux événements puisque, sur les 148 victimes recensées, pas moins de 36 civils, dont des femmes et des enfants, ont péri.
La présidence palestinienne a réagi par des décrets d’exception qu’elle a ensuite abrogés ou qu’elle s’apprête à abroger. En Cisjordanie, les hommes du Hamas sont devenus des clandestins à double titre : à l’égard des Israéliens mais aussi à l’égard de l’Autorité palestinienne. Ismail Hanyeh, l’ancien Premier ministre, réaffirme sa volonté de respecter les droits de l’homme et la démocratie (nul Émirat ou État islamique en vue, dit-il), et son refus de toute reconnaissance d’Israël. En même temps, on perçoit bien dans son discours l’angoisse de l’enfermement. Enfermement géographique doublé d’un enfermement politique, comme s’il avait conscience que la victoire militaire du Hamas lui posait plus de problèmes qu’elle n’en avait résolus. Son ancien ministre des Affaires étrangères nous sert les stéréotypes les plus éculés, et l’on imagine le rejet immédiat qu’il peut provoquer auprès des gouvernements occidentaux. À bien l’entendre, cet homme fera la paix mais dans les cieux…
Le Hamas n’est pas monolithique. L’autorité palestinienne, quant à elle, ressasse cette défaite sans aucune autocritique et refuse aujourd’hui tout dialogue, tout en affirmant qu’il n’y a pas de solution militaire possible. Tous les observateurs s’accordent à penser que, dans quelques semaines ou quelques mois au plus tard, les discussions reprendront, ne serait-ce que parce que les grands frères arabes, Égyptiens en tête, y poussent, même s’ils ne portent pas le Hamas dans leur coeur.
Mais comment ne pas tenir compte d’un mouvement qui a obtenu la majorité à des élections réclamées par la communauté internationale, reconnues comme parfaitement démocratiques et dont cette même communauté internationale s’est empressée de dénier les résultats ? Il est en effet probable que rien de cela ne serait arrivé si la communauté internationale avait joué le jeu, amené le Hamas à la table des négociations, et n’avait pas favorisé la guerre civile entre Palestiniens. Aucun de nos interlocuteurs institutionnels occidentaux n’a nié le bilan désastreux du refus de reconnaître le résultat des élections palestiniennes. Mais que faire contre la volonté des États-Unis et contre les divisions profondes de l’Union européenne ? demandent-ils d’un ton accablé. Comme si les mots « courage » et « intelligence » avaient disparu du vocabulaire politique.
Quant au gouvernement israélien, il continue sa politique aveugle, obtenant quelques moments de répit en attisant le conflit inter-palestinien et en accordant à l’Autorité palestinienne quelques miettes qui ne changent rien à l’impossibilité de vivre qui frappe les Palestiniens. Pire, l’armée israélienne n’a jamais cessé ses interventions en Cisjordanie contre la branche armée du Fatah, un peu comme si certains secteurs de l’armée voulaient signifier eux aussi qu’il n’y avait pas de dialogue possible avec quiconque. L’opinion publique israélienne, quant à elle, s’enferme derrière le mur, confirmant en cela que ce béton vaut aussi enfermement mental des deux peuples. Et les organisations humanitaires israéliennes, à l’occasion du 40e anniversaire de la guerre des Six-Jours, en viennent à se demander si le soutien qu’elles prodiguent aux Palestiniens ne représente pas plus, en définitive, une caution de l’occupation qu’une véritable solidarité. En attendant, plus de six mille personnes pourrissent et meurent, au sens propre du mot, à Rafah, ne pouvant revenir à Gaza, chacun se renvoyant avec cynisme la responsabilité de cette situation.
En attendant, Gaza survit avec un filet d’approvisionnement qui ne suffira pas bien longtemps. En attendant, les Palestiniens de Cisjordanie jonglent avec les check-points et simulent une vie normale. En attendant, on déteste la corruption et l’affairisme du Fatah tout autant que l’on a peur du Hamas. En attendant, Raji et Shawan en Palestine, Jessica et Ruth en Israël, et quelques autres s’ingénient à faire respecter les droits de tous et continuent à se parler et à plaisanter au téléphone, seul moyen qui leur reste d’entretenir une relation fraternelle. En attendant que la folie cesse de supplanter la raison, ils permettent à l’humaine condition de se perpétuer et de ne pas désespérer.